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Ce livre apporte de précieux éclaircissements sur l'esthétique et l'histoire du manga. On appréciera les nombreuses interviews de mangakas et d'éditeurs qui nous permettent de mieux comprendre les coulisses de la création des mangas. De nombreux articles insistent sur des aspects de l'histoire du manga parfois peu abordés par les autres livres spécialisés, notamment le lien avec les arts graphiques plus anciens du Japon dont l'ukiyo-e. On apprend notamment que la lecture de romans imagés est déjà imprégnée dans les pratiques japonaises depuis le XVIIIe siècles avec les livres xylographiques illustrés, les kusazōshi. L'ouvrage offre aussi de nombreux extraits de mangas et des illustrations. L'histoire et l'esthétique des genres principaux y sont traités, ainsi que toutes les pratiques relatives aux mangas ainsi que le lien de cet art avec les romans graphiques et le cinéma. On apprend aussi la polysémie du mot "manga" en japonais qui désigne plus une esthétique graphique que l'art séquentiel. Ce mot a pu aussi avoir le sens d'esquisses ou de manuel de dessin au XIXe notamment suite au livre de Hokusai qui reprend ce mot, ou bien de caricature pendant l'ère Meiji.

Cette BD retrace la vie de Malintzin, l'interprète de Cortés lors de son arrivée au Mexique. C'est l'histoire d'une femme arrachée à sa terre d'origine, vendue par sa famille, dépossédée de sa liberté mais qui parvient à devenir l'une des femmes les plus importante de son époque grâce à ses talents de traductrice et de diplomate. L'autrice parvient à retranscrire en cases et en bulles toutes les angoisses, les espérances et les choix difficiles qu'a vécu Malinalli. Le déchirement entre sa culture d'origine et cette rencontre avec les Espagnols est notamment rendu par le rapport qu'a l'héroïne avec le divin : l'eau symbolise le pouvoir de Tlaloc, et lui rappelle les conseils de sa grand-mère, tandis que les Espagnols ne cessent de maudire la pluie et ne prennent jamais de bain. L'importance de la pluralité des langue et de l'intercompréhension est rendue à merveille grâce à des graffitis dans les bulles qui signifient l'incompréhension, les polices différentes qui rappellent les accents et les bulles qui se superposent qui rappellent les aller-retours constants entre les langues et les interprètes. C'est aussi l'histoire d'une femme qui apprend à prendre son destin en main et qui parvient à se délivrer du rôle d'esclave sexuelle que les hommes lui ont attribué depuis l'adolescence.

Cette bande dessinée est un vrai chef-d'œuvre, chaque planche présente des paysages et des scènes éblouissantes de détails et de beauté. L'univers est d'une grande poésie et d'un charme parfois éclatant parfois lugubre. Les auteurs nous plongent dans un univers qui se laisse contempler et qui nous invite à suivre l'histoire d'une princesse déchue dont les pouvoirs et la force de caractère vont lui permettre de se sortir des situations les plus difficiles. Les cases et les gouttières sont éclatées et laissent placent à des scènes très dynamiques ou bien se fondent dans des panoramas grandioses. Les dialogues offrent une atmosphère mystique grâce à une écriture très imagée ou bien nous ramènent dans les bassesses du quotidien avec une langue vulgaire mais toute aussi imagée. On notera la présence de répliques en breton qui ajoutent un aspect mystique et inquiétant à la dernière scène ; c'est toujours un plaisir de trouver une langue régionale utilisée à si bon escient dans la fiction.

Cet ouvrage revient sur l'histoire du manga et sur son esthétique. L'auteur s'évertue à déconstruire les nombreuses idées reçues sur ce genre graphique et à expliquer les raisons d'une telle différence esthétique comparée à ce que connaît le lecteur européen. Le manga est ainsi présenté dans toutes sa diversité : shonen, seinen, shojo etc. Il aborde des thèmes d'une très grande diversité dans tous les genres fictionnels : réalisme, science fiction, fantasy, romance, policier, sports, etc. Les thèmes qui ont pu dérangé ont des explications relatives à la culture japonaise et à l'histoire du genre; le scatologique est par exemple lié à un lien sacré avec la fertilité de la terre dans le shintoïsme, la présence de la sexualité ne pose pas de problème car le tabou est moins présent quand dans les sociétés occidentales. Le manga est alors devenu un véritable phénomène de société au Japon représentant un tiers des livres vendus : il fait dorénavant partie du patrimoine culturel du pays. Il s'agit aussi d'un genre de contestation, qui n'hésite pas à remettre en question avec violence l'ordre établi et les figures d'autorité. Finalement, l'auteur conclue avec des statistiques qui montrent que les lecteurs de manga n'associent pas ce genre avec la violence ou le sexe mais avant tout à un divertissement intéressant qui les a aidés dans leur vie personnelle. Le manga a de plus contribué au dynamisme de la vente de la bande dessinée en France en attirant un nouveau lectorat. Un livre à lire pour tous les passionnés du genre ou à ceux qui veulent le découvrir.